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Quelques livres à dévorer cet été !

Western, de Maria Pourchet

 

Cela fait maintenant quelques années que je suis de près cette autrice dont le style me plaît beaucoup. Je l'ai découverte en écoutant une émission passionnante diffusée sur Arte Radio, Bookmakers.

Cette émission consacre trois volets à un auteur, avec une interview décalée et subtile, des lectures d'extraits inspirées, et un excellent habillage sonore. Je vous la conseille.

Vous pouvez la retrouver ici.

J'ai donc découvert Maria Pourchet par le biais de cette émission. Sa personnalité m'a intriguée, et j'ai voulu en savoir un peu plus en la lisant. J'ai commencé par un roman qui a pour titre Feu, une histoire d'amour invraisemblable et pourtant radioactive entre un golden boy au bout du rouleau et une prof de fac à la vie gentiment dérangée. Comme pour Western, ce qui capte immédiatement l’attention chez cette autrice, c'est son style, haché, hybride, tantôt très cru, tantôt littéraire et lyrique, mélangeant références culturelles et sociologie contemporaine. La construction est elle aussi intéressante, alternant souvent plusieurs voix narratives. Et enfin l'humour, souvent très corrosif, est omniprésent. Dans Western, on retrouve aussi deux personnages un peu cabossés, Alexis, comédien très en vue qui quitte brusquement Paris pour un petit village du Lot. Et Aurore, mère célibataire qui ne croit plus en l'amour et vit en recluse. Je ne vous révélerai pas quelles motivations animent ces deux personnages qui ont fui leur existence. Je vous laisse le découvrir. En revanche, je peux vous dire que l'écriture de Maria Pourchet, par son caractère à la fois subtil et décapant, ne vous laissera pas indifférents.

 

Sarah, Suzanne, et l'écrivain, d'Éric Reinhardt

 

Un auteur que j'ai découvert après avoir vu le film L'Amour et les forêts, de Valérie Donzelli. Le film était très bien, le livre est encore mieux. C'est l'histoire d'une femme qui subit l'emprise de son mari et l'enfer du couple au quotidien. Elle va néanmoins tenter, car elle est combative, de sortir de cet étau de noirceur pour aller vers la lumière de la vie, et peut-être, d'un amour véritable. Cette histoire est racontée à un écrivain qui présente de nombreux points communs avec l'auteur, dans une mise en abyme qui n'est pas pour me déplaire. Cet auteur est, de plus, très fort pour entrer dans la psyché féminine. C'est ce qu'il fait également avec Sarah, Suzanne, et l'écrivain, où Sarah fait le récit de sa vie à un écrivain qu'elle admire afin qu'il en fasse un roman. Elle y devient Suzanne, et le lecteur s'amuse à relever les distorsions plus ou moins importantes que l'écrivain fait alors subir au réel pour le transformer en fiction. Dans les deux cas, on raconte le parcours d'une femme bafouée qui s'émancipe et qui, après une crise qui la mène au bord la folie, retrouve le bonheur de vivre. Cette Suzanne ne se sent plus aimée par son mari. De plus, elle se rend compte par hasard qu'elle ne possède que soixante-quinze pourcent de leur domicile conjugal. Après avoir, sans succès, demandé à son mari de rééquilibrer ce partage injuste, elle décide d'aller vivre ailleurs quelques temps pour provoquer un électrochoc chez son mari. Mais ce dernier ne réagit pas du tout comme elle l'imagine, ce qui va engendrer pour elle une lente descente aux enfers. Un roman passionnant, subtil et bouleversant sur le couple, et sur la difficulté d'y trouver sa juste place.

 

1Q84, d'Haruki Murakami

 

Si l’univers de Murakami vous est encore étranger, il est grand temps de vous plonger dans ce roman poétique, surréaliste, et fantastique en trois tomes, qui prend tout son temps pour dérouler deux destins : celui d’Aomamé, qui enseigne la gymnastique et les arts martiaux tout en devenant tueuse à gages lorsqu’une gentille et richissime dame âgée lui en fait la demande ; et celui de Tengo, prof de maths et apprenti écrivain embarqué malgré lui par son éditeur dans une aventure mystérieuse. Deux solitudes parallèles dont on ne comprend pas, au premier abord, quel est leur lien. Les éléments de l’intrigue vont peu à peu se mettre en place, dans une lenteur très onirique, et dessiner deux univers dont on ne sait lequel est réel, lequel est une fiction ou un fantasme. Le thème de l’écriture complexifie encore les choses, puisque Tengo est chargé de réécrire le livre de la jeune Fukaeri, qui raconte lui-même une histoire très étrange qui va prendre de plus en plus de place dans le réel. Si vous êtes fascinés par les mondes parallèles, si les romans qui perdent le lecteur en terres inconnues vous enchantent, vous devriez être comblés par ce récit.

 

Les éclats, de Bret Easton Ellis

 

Je n’avais jamais rien lu de cet auteur avant ce roman (en dehors de quelques extraits). J’étais peut-être légèrement agacée, je le concède, par le côté « rock star nihiliste et sulfureuse » de l’écrivain, ainsi que par ses prises de position parfois très provocatrices. Mais comme dans le cas de Michel Houellebecq, dont j’ai déjà parlé dans un précédent article, rien ne vaut la lecture d’une œuvre intégrale pour mieux connaître et comprendre un écrivain. Et il se trouve que ce roman est fascinant à de nombreux égards. Ce qui m’a d’abord intéressée, c’est le mélange du réel et de la fiction (chacun ses marottes). Le héros s’appelle Bret, comme l’auteur, et il est en train d’écrire un roman intitulé Moins que zéro (premier roman publié par l’écrivain en 1985). De plus, la jeunesse dorée et désabusée du Bret romanesque est très proche de l’adolescence vécue par l’écrivain en Californie. Au-delà de ces éléments biographiques, Bret Easton Ellis s’est amusé à brouiller les pistes, si bien qu’on ne sait bientôt plus ce qui est détail autobiographique authentique, et ce qui est pure invention. Surtout que le roman emprunte vite les codes du thriller paranoïaque, dans un hommage appuyé à Stephen King, que Bret Easton Ellis adore (et il n’est pas le seul). Suivant sa scolarité dans un lycée huppé de Californie, le jeune Bret cache son homosexualité et évolue dans un univers où le sexe, la drogue, et l’alcool, font partie du quotidien d’une jeunesse dorée à la dérive (les parents sont soit absents, soit dysfonctionnels). L’arrivée d’un mystérieux et charismatique élève bouleverse le quotidien de ces jeunes gens, d’autant plus qu’il coïncide avec des meurtres en série particulièrement sauvages. Bret Easton Ellis ne cesse de nous abuser en multipliant fausses pistes et chausse-trappes, tout en nous révélant, en creux, ses espoirs et ses désillusions d’adolescent solitaire et un brin schizophrène. C’est brillant et souvent vertigineux.

 

Notre part de nuit, de Mariana Enriquez

 

J’ai découvert ce dernier roman complètement par hasard, en cherchant un autre livre (comme c’est souvent le cas). C’est pourtant mon coup de cœur parmi cette liste. C’est même ce roman (attention, scoop), qui m’a donné envie de revenir à mes premières amours, à savoir l’écriture d’un roman fantastique, même si l’on pourrait aussi parler de réalisme magique pour qualifier celui de Mariana Henriquez. Sur fond de dictature, on assiste au périple d’un père et de son fils à travers l’Argentine. On comprend très vite que Juan, le père, fuit une puissance terrible : celle de l’Ordre, organisation secrète, dont il est le medium le plus réputé. On comprend aussi que son fils, Gaspar, a hérité des dons de son père, mais que ce dernier est capable de tout pour que ces dons ne se voient jamais le jour. Et pour cause : l’Ordre souhaite que le père (dont la santé est fragilisée par une grave malformation cardiaque), utilise le corps de son propre fils pour prolonger son existence. De même, Juan refuse que Gaspar soit utilisé puis réduit en esclavage, comme lui-même l’a été. Le roman alterne les points de vue et les époques pour expliquer comment l’Ordre, puissante secte en quête d’immortalité, n’hésite pas à sacrifier hommes, femmes, et enfants, pour assouvir ses désirs de toute puissance, et nourrir un culte dédié à l’Obscurité, divinité monstrueuse qui « mange » littéralement les corps de ses adeptes. Ce dieu sans pitié est bien sûr une métaphore concrète qui dit toute l’horreur de l’histoire de l’Argentine (les tortures, les meurtres, les disparitions…). J’ai été particulièrement marquée par les rituels pratiqués par les personnages, par les cérémonies (âmes sensibles, passez votre chemin !), par le mélange de la grande Histoire et d’un fantastique gothique et baroque, qui nous plonge volontiers dans l’horreur. C’est extrêmement bien écrit. La structure est complexe, mais prend tout son sens au fil de la lecture. Ce qui me reste en tête après avoir refermé ce livre, c’est l’amour incommensurable – et pourtant, au départ, c’est loin d’être évident pour le lecteur – qu’un père éprouve pour son fils. Car s’il y a une part d’ombre terrifiante dans ce roman, une lumière étrange y perce aussi à de nombreuses reprises. Pour preuve, cette citation, à la fois simple et magnifique, ces paroles que Juan adresse à Gaspar : « Tu possèdes quelque chose à moi, dit-il, je t'ai laissé quelque chose, j'espère que ce n'est pas maudit, j'ignore si je peux te donner quelque chose qui ne soit pas souillé, qui ne soit pas obscur, notre part de nuit. »

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