Cette fille-là

   «Il y a une autre part d’elle qui m’intrigue et que je n’ai pas encore réussi à élucider. C’est sa folie. Attention, pas une folie visible et tangible, qui vous exclurait direct de la société façon Vol au-dessus d’un nid de coucou... Non, c’est plutôt une folie sous-jacente, une lumière étouffée qui s’échappe parfois dans de rares moments de lâcher-prise... Un feu intérieur méthodiquement et brillamment contenu depuis des années. Parfois, je me dis qu’elle est encore bien plus barrée que moi et qu’elle a juste trouvé la bonne. parade pour faire croire à tout l’univers qu’elle était lisse, paisible et sans tache. Comme la façade d’un immeuble haussmannien aux proportions parfaites et harmonieuses, aux matériaux nobles, à la propreté et aux finitions impeccables si on le regarde depuis la rue, mais dont toutes les pièces et le mobilier intérieur seraient ravagés par un incendie dévastateur et sans fin. Je ne sais pas au juste si ce monstre la bouffe en profondeur ou si elle s’en accommode... Mais comme je suis moi-même un peu dingue et inconscient, j’aimerais bien voir un peu plus à quoi il ressemble, ce monstre, justement. Je ne sais même pas pourquoi je me donne autant de mal pour entretenir notre lien, on n’est même plus ensemble. Elle en aime un autre, maintenant. J’ai peut-être toujours l’espoir qu’elle revienne vers moi quand je serai devenu un Superman. Y a du boulot, j’en suis conscient, mais j’arrive pas à me résigner. Du coup, on est devenus des amis. Enfin, des amis un peu particuliers, je crois que les choses ne sont pas très claires de mon côté… Disons, pour faire court, que j’ai du mal à envisager une amitié sans ambiguïté avec une fille dont je perçois encore, dès que je la vois et comme au premier jour, l’odeur de la peau et le goût du sexe. Quand elle est près de moi, c’est bien simple, je ne pense qu’à plonger le nez dans ses cheveux, lui caresser les fesses, et titiller son abricot. C’est une obsession. Forcément, ça complique un peu nos relations. Surtout de mon point de vue. J’en ai pas fini avec elle... Maintes fois, j’ai voulu lui proposer qu’on devienne des « sex friends », juste histoire de prolonger par une suite inutile et poussive la première saison d’une excellente série... Mais chaque fois, j’ai reculé... Ah... L’infinie lâcheté de nos courages perdus !»